Le marketing 2.0 et les bibliothèques

Tout a démarré avec la lecture de trois billets ( en fait quatre pour être précis…) : tout d’abord « The transparent library » et « Library PR 2.0 » sur le blog LibraryCrunch, puis « Une vision originale du marketing des bibliothèques » sur le blog québecois Bibliofusion, avec un lien vers l’enquête LibQual+ sur les attentes et perceptions des usagers, et enfin les commentaires d’Olivier Tacheau sur son blog Le nombril de Belle Beille et notamment dans une présentation flash ici, dont l’intitulé est éloquent : « LibQual+ et Cie… Baiser de la mort ou survie ?… »

De quoi s’agit-il ? (ce qui suit est un résumé du billet « Marketing des bibliothèques et web 2.0 » sur Bibliofusion)

(Début de citation) Le marketing donne un cadre d’analyse et d’intervention particulièrement important pour les bibliothèques dans le contexte de transformation intense auquel elles sont maintenant confrontées. L’affluence des bibliothèques diminue et se déplace vers le Web depuis dix ans, il ne faudrait pas que la relation avec les usagers en pâtisse avec l’émergence du Web 2.0 qui questionne le rôle et la place des bibliothèques dans le nouvel environnement informationnel.

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La bibliothèque se trouve dans un nouveau territoire en constante mutation et la “compétition” pour l’attention des internautes y est très forte. Une “carte des communautés Web” illustre bien ce territoire sans boussole. Ou se situe la bibliothèque sur cette carte? Elle n’est peut-être plus dans le radar de beaucoup d’usagers devenus autonomes (ce qui est bien) dans leurs recherche d’information. Le produit traditionnel de la bibliothèque (la collection) n’est plus à même de lui servir d’appui principal pour ses stratégies de marketing. Le livre, la revue, base de données et autres produits documentaires ne sont plus suffisant pour rendre la bibliothèque attrayante auprès de ses usagers. Bref, d’un point de vue marketing, la bibliothèque ne peut plus se contenter d’être associée au “livre“ (ou document) et encore moins faire sa promotion sur cette base!

L’usager a toujours été au coeur des préoccupations de la bibliothèque et elle s’est toujours adaptée à de nouvelles réalités. (fin de citation)

Voici le cadre posé, maintenant on parle de marketing 2.0, à ce sujet faire un tour sur le blog de Brian Solis (PR 2.0) qui tente de redéfinir la notion de médias sociaux, définition en gestation et qui est loin de faire l’unanimité. Pourquoi d’ailleurs limiter la définition de ces réseaux à Internet alors que certains utilisent le téléphone mobile comme plateforme (sms,mms etc…) ?

A ce sujet, voir  Wikipedia, dont la définition ne fait pas non plus l’unanimité chez les bloggueurs : l’expression « médias sociaux » recouvre les différentes activités qui intègrent la technologie, l’interaction sociale, et la création de contenu. Les médias sociaux utilisent l’intelligence collective dans un esprit de collaboration en ligne. Par le biais de ces moyens de communication sociale, des individus ou des groupes d’individus qui collaborent créent ensemble du contenu Web, organisent le contenu, l’indexent, le modifient ou font des commentaires, le combinent avec des créations personnelles. Les médias sociaux utilisent beaucoup de technologies, telles que les flux RSS et autres flux de syndication Web, les blogs, les wikis, le partage de photos (Flickr), le vidéo-partage (YouTube), des podcasts, les réseaux sociaux, le bookmarking collaboratif, les mashups, les mondes virtuels, les micro-blogs, et plus encore.

Revenons maintenant aux quelques principes énoncés sur le site LibraryJournal.com par Michael Casey (Information Technology Division Director, Gwinnett County Public Library, Lawrenceville, Etat de Georgie, coauteur de « Library 2.0. ») et Michael Stephens (Assistant Professor, GSLIS, Dominican University, River Forest, Ett de l’Illinois,  auteur de « Web 2.0 & Libraries ») :

Donner à chacun la possibilité de s’exprimer: mettre à disposition en ligne et physiquement les moyens permettant à tous les acteurs de la bibliothèque de s’exprimer, réagir et suggérer des solutions. Il ne reste plus qu’à rajouter un forum électronique ou un blog ainsi que des réunions publiques et le « tour est joué ». Votre objectif est d’impliquer votre communauté, même si cela reste limité aux murs de votre institution ou dans les limites de votre pare-feu (intranet). Incitez les participants à la confiance et au respect… Sans crainte d’être sanctionné pour les opinions exprimées.

Jouer « fair play » et rester constructif : la boîte de suggestion ou le blog ne sont pas une tribune libre ni un lieu pour les réglements de comptes. Les administrateurs ne devraient pas laisser la peur ou la perte de contrôle les dissuader de mettre en oeuvre une bonne idée. Proposez vos idées sous une forme accessible aux décideurs en leur montrant le retour sur investissement (NdT : point important, de nombreuses bibliothèques sont des institutions privées et payantes aux Etats-Unis). Les bonnes idées restent rarement ignorées… (si vous le dites)

Prenez soin de votre communauté : tout un chacun a un intérêt dans la bibliothèque, même ceux qui ne sont pas des usagers.  Leur support financier sera peut être requis un jour ou l’autre… (une problématique typiquement US qui nous concerne moins les français)

Prendre le risque d’accepter l’anonymat : ceci peut encourager des gens qui ne se seraient autrement jamais manifestés à partager leurs observations et suggestions.

Dire la vérité (!) : les mensonges ne marchent pas. L’honnêteté est le meilleur moyen pour proposer des initiatives, et assurer leur succès.

Focalisez vous sur une politique centrée sur l’usager plutôt que de le faire fuir (!) : modes de fonctionnement, besoins de l’usager, et la triste réalité de temps économiquement durs signifient que nous devons réévaluer nos missions, nos services et notre politique.

A ce sujet, lire l’initiative de Brian Hertzog et sa « Journée de l’Usager » (qui la compare à : « un sheriff qui passerait une semaine dans sa propre prison » !!!)

(Et pour finir) :Voyez votre bibliothèque au travers du regard de vos usagers. (traduction et commentaires par l’auteur du billet)

Tout cela est bel et bon (Ah, ces américains…). Et chez nous :

LibQual+ est un ensemble d’outils offerts aux bibliothèques désireuses de solliciter, de suivre l’évolution, de comprendre et d’agir sur les opinions émises par leurs usagers sur la qualité des services reçus. Cet ensemble d’outils est offert aux bibliothèques par l’Association of Research Libraries (ARL). L’élément principal du programme est constitué d’un sondage Web testé de façon rigoureuse et accompagné de formations visant à aider les bibliothèques à évaluer et à améliorer leurs services, à changer la culture organisationnelle et à faire la promotion de la bibliothèque.

C’est une démarche qui a été suivie à la BU d’Angers avec le point de vue d’Olivier Tacheau, animateur du blog « Le Nombril de Belle Beille », ici (les héros sont fatigués).

Par ailleurs, les résultats de l’enquête LibQual+ menée à Angers, sont analysés ici (il s’agit du blog Librarian Assessment, qui est tout à fait français comme son nom ne l’indique pas)

Conclusion:

Une réalité indéniable : le paysage change et les lignes bougent. Les Américains sont au mieux enthousiastes, au pire pragmatiques (les bibliothécaires d’outre-atlantique ont d’ailleurs intérêt à manifester leur dynamisme, car pour eux c’est leur poste qui est en jeux, on est dans le règne de l’entreprise privée ou il faut « prouver » son efficacité. C’est d’ailleurs bien exprimé ici, et en plus avec humour), alors que côté français, je cite :

« …sur la nécessité pour les “décideurs” en bibliothèque de communiquer avec leurs usagers, leurs personnels et leurs pairs… me donne l’occasion de redire ici pourquoi nous expérimentons, pourquoi nous faisons savoir, pourquoi nous animons des blogs professionnels, pourquoi nous communiquons tant sur nos réalisations, nos projets, nos interrogations, nos réflexions :

– parce que nous souhaiterions que les autres fassent de même
– pour mettre en commun de bonnes pratiques ou de bonnes idées
– pour dire ce qui ne marche pas et éviter à d’autres de s’y fourvoyer
– pour partager des outils et faire gagner du temps ailleurs
– pour trouver des partenaires sur des projets communs
– pour être dans le champ de vision de nos tutelles : on bouge encore…

certains pensent et disent que nous en faisons trop et ne voient là qu’une question d’égo reposant sur du vent, de l’esbroufe en somme… peut-être. D’autres s’engouffrent dans la brèche pour étayer leur discours légitimiste (Libqual : quelle horreur, les readers : un gadget, l’animation culturelle : une gageure, les ressources électroniques : un pis-aller…et dénoncer ces pratiques juvéno-futilo-gadgeto technicistes qui auraient contaminé le territoire sacré de la bibliothèque, oubliant au passage de voir derrière l’”effet loupe” et la formidable caisse de résonance assurée par Internet… »

(citation du blog d’Olivier Tacheau).


Etats d’âmes de bibliothécaires

Apparemment les bibliothécaires ont des états d’âmes : de nombreux blogs personnels font le point sur la profession, non sans un certain cynisme désabusé sous lequel pointe volontiers l’humour, cela tant dans les blogs français (Nombril de Bellebeille, Blogfibes, B&C…), que chez nos amis Québécois (Le bibliothécaire errant) ou anglo-saxons (The Laughing Librarian, qui tranche un peu avec le ton conquérant des collègues d’outre-atlantique). Bref comme disais j’ai oublié qui : « Les gens qui ne rient pas ne sont pas sérieux… »

L’humour donc n’empêche pas de se poser des questions sérieuses et profondes sur l’exercice du métier comme ici, ou de s’interroger sur l’évolution du métier .

Nous terminerons sur quelques aphorismes de Brian Smith, le très zen animateur du blog « Laughing Librarian » (traduit par B&C) :

Le bibliothécaire zen remarqua : « Travailler à la bibliothèque sans s’attacher aux livres ni aux mots qu’ils contiennent, telle est la juste voie».

Alors qu’il remplissait une notice unimarc, le bibliothécaire zen remarqua : « Ca existe. Ca n’existe pas ».

Le bibliothécaire zen cherchait rien sur Google, il obtint 27,987,384 réponses.